Transition professionnelle et crise sanitaire : des questions à se poser ?

Transition professionnelle et crise sanitaire : des questions à se poser?

Une évidence : la crise sanitaire met à mal le marché du travail. Certains secteurs s’en sortent bien (l’agro-alimentaire, la grande distribution, la pharma, la hi-tech…), alors que d’autres sont en grande souffrance (le transport, le tourisme, l’aéronautique, l’automobile…). Une deuxième évidence : dans ce contexte, être en transition peut soulever des craintes. Même si les entreprises continuent à recruter (au moins trente talents accompagnés par Nexmove, ont retrouvé un poste depuis le début du confinement), le volume de recrutements a clairement baissé, et les pistes sont plus dures à dénicher.

Au sein du cabinet, nous partageons fréquemment sur notre métier et nos pratiques, et le thème de l’accompagnement dans le contexte actuel a animé nos échanges dernièrement. J’avais donc envie de partager quelques idées clés sous la forme de questions qui me semblent utiles si vous êtes en transition actuellement et que vous ne croulez pas sous les pistes.

De quoi ai-je peur ?

Petite révision : sous l’emprise de la peur on peut se battre, s’enfuir ou bien s’immobiliser. C’est donc une émotion utile à condition de la reconnaitre et de l’apprivoiser (comme c’est le cas pour toutes les émotions). Mais encore faut-il savoir de quoi on a peur. Dans le contexte actuel, on peut, par exemple, avoir peur que la crise dure, ou bien de mettre longtemps à retrouver, ne jamais retrouver ou encore perdre la main et ne plus être en phase avec les compétences requises par le marché.

Oui, la crise peut durer, mais vous n’y pouvez rien, alors ne perdez pas votre temps à vous en soucier, et focalisez-vous plutôt sur votre zone d’influence. Oui, vous pouvez mettre longtemps à trouver. Mais c’est combien, longtemps ? Trois mois ? Six ? Douze ? Et longtemps, c’est par rapport à quoi ? Ce que vous avez prévu avant la crise ? La moyenne ? Ce qui vous parait acceptable aux yeux de votre entourage ? Oui, vous pouvez ne jamais retrouver. Mais est-ce vraiment réaliste ? Vous connaissez votre résilience ; vous avez déjà vécu des coups durs et vous vous en êtes remis. Ou alors tout a été facile jusqu’alors, vous avez toujours su créer des opportunités, et vous saurez donc le faire encore aujourd’hui. Et oui, on peut devenir has-been, mais vous avez les moyens d’écarter ce risque : formations, réseautage, webinars… Si vous pensez avoir peur du contexte, interrogez-vous déjà sur l’objet de votre peur et vous arriverez mieux à l’affronter. Et une fois cet objet identifié, creusez pour pouvoir agir.

En quoi est-ce que cette crise peut être une opportunité pour moi ?

La transition, c’est une tranche de vie que l’on peut vivre comme une contrainte ou une opportunité. Je sais, c’est facile à dire quand on a un job, mais j’ai connu (à date) trois transitions dans ma vie, et j’ai appris à en profiter. Le Covid fera peut-être que votre transition durera plus longtemps, et je vous conseille d’en profiter pour vous enrichir personnellement, professionnellement, ou les deux. Formations, voyages, activités culturelles, sportives, spirituelles, associatives… Bien entendu, vous pouvez céder à la tentation de culpabiliser autour du couple / temps / argent. Même si ce débat est éminemment personnel, je vous soumets ma petite philosophie personnelle : a) on ne vit a priori qu’une fois et b) vous investissez dans votre avenir, car en général les entreprises préfèrent recruter des personnes actives et épanouies.

Quelle est ma valeur ajoutée dans ce contexte et dans les entreprises que je vise ?

Savoir piloter, innover, vendre, fabriquer, gérer, etc. en temps de crise requiert d’autres compétences qu’en temps « normal ». Que ressort de votre parcours et vos expériences qui vous rend attractif, voire unique dans ces circonstances ? Beaucoup d’entreprises vont devoir enfin sortir du virage numérique ; savez-vous les y accompagner ? D’autres souhaitent réorganiser complètement leur modèle de distribution, leur supply-chain, leur organisation ; vous avez déjà des réalisations dans ces domaines ? D’autres encore vont transformer fondamentalement leurs orientations stratégiques, changer de marché, de produit, de métier… C’est dans vos cordes ? Plus vous êtes capable de valoriser vos aspérités en les accordant avec la musique que joue actuellement votre cible, plus vous avez de chances de sortir du lot. Et au-delà de vos hard skills, votre capacité à encaisser les revers va vous servir encore plus aujourd’hui, car qui dit crise dit « move quickly and break things », « test and learn », ou encore, pour revenir en France, savoir prendre des coups sur la tête et se relever rapidement, tout en aidant ceux qui vous entourent à se relever avec vous. Autrement dit, les entreprises recherchent aujourd’hui des leaders qui ont connu des échecs, qui ont développé de la résilience, une capacité à rebondir.

Est-ce vraiment plus difficile de faire du réseau ?

Question quasi-rhétorique, car mes collègues s’accordent pour dire que non. Depuis la deuxième guerre mondiale, il y a rarement eu dans les entreprises un tel esprit d’entraide. Je racontais il y a quelques semaines comment le modèle de service chez un de mes clients, un grand de la distribution, s’est complètement transformé en quelque jours, et c’est le cas dans des milliers d’entreprises ; de tels efforts sont impossibles sans que les barrières tombent et que les départements travaillent vraiment ensemble pour satisfaire les clients et sauver les meubles. Cet esprit se traduit dans la volonté des uns et des autres d’être à l’écoute de l’ami d’un ami en recherche, de donner un coup de main, de faire le geste de plus pour faciliter la vie d’autrui. Je ne cesse de le marteler : oubliez vos inhibitions, tentez le réseau, encore plus maintenant.

Quel est mon why ?

Je disais plus haut que nos expériences peuvent nous rendre attractifs à nos entreprises cibles en mutation, mais pas que. La motivation reste un levier très fort pour faire la différence, et elle s’exprime au mieux par nos valeurs et convictions. Simon Sinek nous apprend qu’il faut commencer par le « why » avant de parler du « how » et du « what ». En d’autres termes, pour convaincre nos interlocuteurs, que ce soit en entretien d’embauche, devant un client ou même dans nos vies privées, il convient de mettre en exergue d’abord notre raison d’être, avant de parler de ce que nous savons faire et comment. En période de crise, parler de ce qui nous mobilise, de pourquoi on se lève le matin, de ce qui nous passionne, est encore plus singularisant. Pourquoi ? Parce qu’on cherche encore plus une personnalité, un leader qui saura fédérer, inspirer, ou encore calmer et stabiliser, mais toujours sur la base de croyances fortes. Interrogez-vous donc encore plus sur ce qui vous rend unique dans votre façon d’interagir avec les autres, pour vous façonner, même inconsciemment dans l’esprit du leader qui vous recrute, une place unique dans son orchestre.

 

Dean Groman