Leadership : l’agilité en question

Leadership : l’agilité en question

Diriez-vous que vous êtes un dirigeant agile ? Votre entreprise est-elle agile ? Managez-vous en mode agile ? Comment conduisez-vous la transformation de votre entreprise ? Dans le monde de l’entreprise, deux mots sont actuellement très utilisés. Agilité et transformation. Que vous inspirent ces deux notions ? De quoi parle-t-on au juste ?

Pour ma part j’aime observer et transposer les postures et attitudes des dirigeants avec celles des sportifs de haut niveau. En re visionnant les matches de boxe du champion Muhammad Ali et les grands prix de F1 de Mickael Schumacher j’ai pu observer chez eux cette fabuleuse aptitude de gagner à la fois avec pugnacité et avec une certaine aisance. Et surtout… cette capacité à rester au sommet, « indétrônables » en leur temps.

« Vole comme le papillon et pique comme l’abeille »

est la signature qui caractérise l’agilité incarnée par ce champion du monde poids lourds qu’était Muhammad Ali consacré « boxeur du siècle » grâce à cette capacité à trouver la faille chez ses adversaires, à adapter son mode de combat en fonction de ceux-ci. Avec l’âge il devient « moins agile » et développe une stratégie d’absorption des coups de ses adversaires pour les fatiguer et « piquer » au bon moment. Agilité et absorption deux attitudes complémentaires faces aux réalités affrontées.

 

Quant à Mickael Schumacher, il a été septuple champion du monde avec différentes écuries. Après avoir remporté deux titres de champion du monde avec Benetton et face à des belles propositions, il accepte d’intégrer l’écurie Ferrari en pleine crise, qui n’avait plus été championne du monde depuis 17 ans. Ferrari lui offre en relevant ce défi, la possibilité non pas d’être « seulement » champion du monde mais de devenir « une légende » et d’entrer dans l’histoire. Avec une voiture peu compétitive, il accepte de perdre des grands prix pendant plusieurs saisons. Il ne se décourage pas. Il absorbe ces épreuves, travaille dur avec son équipe et entame une transformation qui galvanisera son staff et le fera devenir… 5 fois champion du monde de suite...une légende vivante.

Dans ces deux cas, on peut évidemment parler de talent et en même temps on peut observer une attitude d’agilité caractérisée par un processus bien rodé :

 

  1. Une ambition, une vision teintée d’une volonté farouche de gagner
  2. Une capacité de choisir ses combats
  3. L’observation : connaitre son/ses adversaires
  4. Décider de la stratégie pour gagner
  5. S’entrainer : Corps, mental et technique
  6. Fédérer et embarquer une équipe derrière soi (capital sympathie fort)
  7. Absorber les coups durs

 

En fait, peu de place pour le hasard dirions-nous. Même si parfois « l’univers » concoure à favoriser ceux qui savent où ils vont.

Au fait, l’agilité c’est quoi ?

Pour le dictionnaire Larousse, l’agilité est la capacité à se mouvoir avec légèreté et souplesse.

Mais pour ces champions, l’agilité n’est pas seulement une question de technique et de souplesse. C’est avant tout un état d’esprit qui fait la différence sur lequel s’enracine la stratégie et la technique. C’est une manière de voir le monde qui les placent mentalement « au-dessus » de la masse.

L'agilité est une compétence concrète dans les entreprises. On peut la définir comme la capacité de ces dernières à s'adapter rapidement et efficacement à des changements. Mais, elle ne s'acquiert pas du jour au lendemain. Elle nécessite une transformation en profondeur de son état d'esprit, mais aussi de ses pratiques.

Pour Michel Fender, professeur affilié à HEC et co-fondateur du programme Humanité et Performance à l’ICP, « l’agilité est la capacité à changer d’état dans un temps limité, en fonction de différents facteurs ».

Bien souvent nous confondons agilité et flexibilité ! La flexibilité s’impose comme une évidence : il s’agit de s’organiser autrement quand le contexte nous y oblige ; comme par exemple la gestion de nos agendas, changer et réorganiser nos rdv (NB : attention cela devient actuellement un sport de haut niveau).

L’agilité est beaucoup moins naturelle ! Elle consiste à changer sa façon de faire, mais également son comportement en fonction d’un contexte donné.

 

Selon la Harvard Business Review, (HBR France, Faire face à l’inconnu) il y a 3 manières d’être agile en entreprise :

 

  1. L’agilité opérationnelle qui s’inscrit dans le cadre d’un business model focalisé. Il s’agit d’identifier puis de choisir et de s’engager avant ses concurrents sur les opportunités qui se présentent et de se mettre rapidement en mouvement sur le plan organisationnel comme par exemple l’a fait l’entreprise Toyota.
  2. L’agilité du portefeuille d’activités. Il s’agit ici de savoir retirer les ressources des activités en déclin pour les allouer à celles en croissance et/ou plus rentables, comme la gestion ou le transfert des compétences d’un service à un autre. Ces mesures souvent impopulaires requièrent du courage de la part du dirigeant(s).
  3. L’agilité stratégique. Celle-ci se focalise sur le fait de saisir les opportunités et les besoins de marchés qui permettent en y répondant, d’avoir un positionnement de leader, comme le font par exemple les Entreprises à Mission. (Pensez à la stratégie océan bleu/océan rouge).

Il s'agit bien évidement ici pour le dirigeant de faire le bon choix et d'accorder le type de décision à son contexte.

 

Alors pourquoi être agile ?

Les évolutions sociétales font bouger les lignes du mode de consommation. Nous sommes en train de passer d’une consommation de masse à une consommation beaucoup plus individualisée et personnalisée. L’accélération de l’utilisation du numérique et de l’IA (intelligence artificielle) qui permettent d’identifier et d’anticiper les besoins des clients, obligent les entreprises à s’adapter rapidement et à changer en profondeur. Repensons à l’entreprise Kodak (photographie) leader incontesté sur son marché qui n’a pas su/voulu/pu évoluer. Vous connaissez la suite ...

 

L’agilité place la satisfaction du client au cœur de son organisation et non plus seulement la quête de la productivité, ce qui a un impact direct sur son image et sur sa marque employeur.

Du fait du recentrage sur la satisfaction client, découlent des pratiques agiles, très développées dans les milieux de l’IT, qui invitent à modifier les modes de fonctionnement comme par exemple :

  • la mise en avant de l’autonomie et de la confiance auprès des collaborateurs
  • un focus plus important sur la créativité et l’innovation pour se réinventer
  • l’utilisation des REX (retours d’expériences) et la remise en question régulière pour avancer
  • le travail en cycle court itératifs type « mode projet » avec des équipes auto dirigées,
  • les outils numériques adaptés…

 

Alors, oui pas si évident que cela. Cela demande une véritable démarche, un état d'esprit de leader oserais-je dire.

Que vous soyez dirigeant en poste ou en transition professionnelle, afin de développer cette compétence d'agilité si nécessaire aujourd'hui, demandez-vous :

« Qui est mon client et qu’attend-il de moi » ? « Qu’ai-je besoin de changer ou de faire évoluer en moi pour m’inscrire dans les leaders du XXIème siècle et contribuer aux challenges de mon temps en affirmant ma signature » ?

Bref, une véritable transformation est nécessaire si l’on veut rester dans la course, à l’image de Muhammad Ali et de « Schumi » qui à partir de leur socle identitaire n’ont cessé d’avancer entre agilité et absorption et qui, bien qu’ayant cessé leur activité, nous inspirent encore.

 

A tous les dirigeants quelle que soit la taille de votre entreprise et vos responsabilités je vous souhaite le courage et la force de la volonté pour opérer les changements nécessaires en vous et dans vos organisations pour le bien de tous. Alors, à vous de jouer !

 

Luc Delage