Pourquoi faire du réseau ?
Vous cherchez votre prochaine aventure professionnelle; on s’est peut-être séparé de vous (réorganisation, réduction des coûts, changement de stratégie, incompatibilité relationnelle…), ou bien vous pensez pouvoir faire mieux ailleurs (mission plus intéressante, périmètre plus important, culture et valeurs plus en phase avec les vôtres, désir de se réinventer complètement…), ou alors peut-être un peu les deux (je n’étais plus à ma place, et c’est tout aussi bien car je peux maintenant chercher celle que je veux). En tout cas, vous êtes « à l’écoute du marché ». Comment être le plus efficace possible ? Comment partager son temps entre les annonces, les chasseurs, les candidatures spontanées, le réseau…
J’aime pas !
Il est bien connu qu’en France, plus on vise des postes élevés dans la hiérarchie, moins ces postes sont visibles. Il s’agit du fameux « marché caché », qui regroupe, selon les sources, les secteurs et les entreprises, entre 50 et 90% des postes de « direction et plus ». Il est donc logique de privilégier le réseau dans votre emploi du temps si vous visez ce type de poste. En tout cas, c’est ce que rabâchent sans cesse la plupart des consultants en transition professionnel (dont je fais partie). J’ai néanmoins constaté que ce n’est pas parce que nous insistons sur ce point que les candidats s’y mettent facilement. Il y a une certaine résistance à l’idée de faire du réseau, qui donne lieu à des réactions aussi diverses que « ce n’est pas dans ma culture », « je n’aime pas être en demande », « je ne vois pas à quoi ça sert », « je n’ai pas de réseau », « je ne sais pas quoi raconter », « les gens n’ont pas le temps »… Tout cela est compréhensible, très lié à la personnalité et au contexte de chacun, et peut tout à fait se « traiter » avec des approches plus ou moins rationnelles ou émotionnelles. Cependant, toutes ces questions sont tournées vers le candidat et son ressenti et font fi d’un principe fondamental qui, une fois révélé, peut aider les plus récalcitrants à se mettre en action...
Les intérêts des candidats et des entreprises sont diamétralement opposés !
Quelle est la première préoccupation des candidats ? Au-delà de l’intérêt des postes, des entreprises etc., c’est le temps qui prime. Même si je veux prendre mon temps, éviter de me précipiter sur le premier job qui se présente à moi, il faut que je travaille tôt ou tard, et de préférence plus tôt que tard. Je suis donc, plus ou moins inconsciemment, pressé par le temps. Et les entreprises ? Qu’est-ce qui les préoccupe quand elles recrutent ? C’est le risque. Moi, DRH, je veux surtout éviter de me tromper. Recruter, cela coute cher, alors surtout pas d’erreur, on verrouille le plus possible en choisissant le candidat le plus diplômé, le plus proche de notre secteur, le plus connu de tous. Tout cela est bien entendu très caricatural, mais il n’y a pas de fumée sans feu, et cela donne lieu au phénomène suivant : les candidats privilégient les méthodes pour chercher que les entreprises privilégient le moins pour trouver, et vice-versa...
Le bonheur des uns…
Les méthodes les plus risquées pour l’entreprise : les candidatures spontanées, les annonces et les cabinets de recrutement. On ne sait pas à qui on a affaire, on attire le tout-venant qui fournit des références qui ne sont jamais fiables à 100%. Pour les candidats, en revanche, ce sont des méthodes peu consommatrices de temps : sur l’internet je peux postuler en trois clics, les cabinets c’est cool car ce sont elles qui s’occupent de tout, et même les candidatures spontanées, à force d’en faire, j’arrive à les sortir en deux temps trois mouvements. Les méthodes les moins risquées pour les entreprises : la promotion interne, les consultants et autres intérim managers, la cooptation et le réseau. Le recrutement par la promotion interne et l’embauche de personnes ayant déjà mené des missions dans l’entreprise sont les méthodes les plus sûres : on a déjà pratiqué les personnes, on sait de quoi elles sont capables, il faut "juste" les accompagner correctement dans leurs nouveaux rôles. Pour les candidats, en revanche, c’est une voie très longue : se faire embaucher par l’entreprise de ses rêves dans l’espoir d’être promu à sa juste valeur peut prendre des années, et les missions d’intérim sont rares et ne sont pas garanties de déboucher sur du long terme. Entre les deux : la cooptation et le réseau. Pour les entreprises c’est une forme d’assurance ; le candidat est sponsorisé par quelqu’un de chez nous, qui s’en porte garant, le risque et donc minime. Mais pour les candidats, c’est encore un peu long. Il faut activer son réseau proche, demander des mises en relation, courir les bureaux, essuyer des refus… ben oui, mais comme on dit chez moi, no pain no gain. Et faire du réseau n'est pas forcément douloureux, à condition de le faire dans un esprit d'ouverture, de partage et de confiance.
Accepter les règles…
Conclusion : privilégier le réseau, c’est adresser le marché caché, mais comprendre pourquoi ce marché est caché, c’est encore mieux, et cela donne du sens à la démarche. Soit, vous êtes peut-être pressé de trouver, mais les entreprises sont surtout pressées de vous écarter si vous ne rentrez pas par la bonne porte. J’ajoute que, de mon point de vue, un marché de l'emploi plus ouvert, moins discriminant, qui donne plus de chances à chacun, serait générateur de diversité, innovation et in fine valeur dans les entreprises. Il y a du progrès sur ce terrain, mais il est lent et inégal. En attendant, viser des postes à responsabilité dans les grandes entreprises en France reste une affaire exclusive et nécessite l’acception de la règle du réseau.